Les élevages porcins de type naisseur-engraisseur sont aujourd’hui fréquemment infectés par plusieurs sous-types de virus influenza A porcins (VIP), devenus enzootiques dans la population et responsables d’épisodes infectieux se répétant en élevage sur chaque bande et à âge fixe. Une fois installés, ces virus semblent persister sur l’élevage et les moyens de lutte à la disposition des éleveurs et des vétérinaires sont limités. Un modèle stochastique de métapopulation représentant la co-circulation de deux VIP dans un élevage de type naisseur-engraisseur a été développé afin d’évaluer des mesures de maîtrise relatives à la conduite l’élevage et à la vaccination visant à rompre ces cycles d’infection. Bien que la vaccination des reproducteurs montre un effet bénéfique chez les truies en réduisant la persistance dans cette sous-population, elle ne permet l’extinction du virus sur la totalité de l’élevage (persistance maintenue chez les porcs en croissance). L’externalisation de bandes de porcelets au sevrage, permettant de rompre la répétition quasimécanique du processus infectieux, apparaît comme la mesure la plus efficace.
January 2018
Numéro 82 janvier 2018
Editorial
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Dans ce premier numéro de 2018, vous trouverez une variété d’articles couvrant les différentes facettes de l’épidémiologie appliquée à la santé animale : surveillance et études descriptives, investigations, modélisations.
En matière de surveillance de l’antibiorésistance dans les filières animales, la France dispose d’un outil précieux – le Résapath. L’évaluation de sa représentativité et de sa couverture permet de montrer que les différentes filières d’animaux d’élevage et d’animaux de compagnie font l’objet d’une couverture importante et relativement homogène sur tout le territoire métropolitain. Les études d’exposition des animaux d’élevage aux antibiotiques sont rares, en grande partie en raison de la logistique qu’elles nécessitent et de leur coût élevé. L’étude présentée en filière de veaux de boucherie est particulièrement importante, en raison du niveau d’exposition des animaux dans cette filière.
Les investigations épidémiologiques sont souvent présentées comme le « service après-vente » de la surveillance. Si surveiller permet de documenter le risque, l’investigation des phénomènes identifiés est le maillon indispensable pour comprendre au mieux ces phénomènes et fonder ainsi la lutte et la prévention. Une nouvelle investigation dédiée à un foyer de fièvre charbonneuse chez les bovins a permis d’identifier un facteur d’exposition, qui s’il est bien connu et décrit dans la littérature – l’exposition à des fourrages contaminés – n’est cependant pas le premier qui vient à l’esprit quand on intervient sur des cas de fièvre charbonneuse.
Enfin les approches par modélisation permettent d’explorer in silico, de manière économe en temps, en énergie et en coût, des scénarios alternatifs, que ce soit pour la surveillance, comme par exemple le système complexe de surveillance de la brucellose bovine, ou pour la lutte, comme par exemple la combinaison de la vaccination et de pratiques d’élevage dans la lutte contre les effets des virus influenza A en élevage de porcs. Ces modèles sont, bien entendu, à confronter ensuite à l’épreuve des faits, mais ils permettent d’orienter les choix en estimant les performances théoriques et les coûts de différents scénarios, permettant ainsi d’orienter les réflexions sur les mesures à prendre, les évolutions à mettre en oeuvre.
Au sommaire
Articles
Dermatose nodulaire contagieuse bovine : situation épidémiologique dans les Balkans et en Turquie au 30 novembre 2017
La dermatose nodulaire contagieuse bovine est une maladie virale enzootique en Afrique sub-saharienne. Après avoir été détectée pour la première fois en Turquie
en novembre 2013, elle s’est ensuite étendue à l’Europe, tout d’abord à la partie européenne de la Turquie en mai 2015, puis dans les Balkans. Cet article fait le point sur la situation épidémiologique de la maladie dans les Balkans et en Turquie au 30 novembre 2017. Il rapporte l’effet protecteur de la vaccination dans les pays qui
ont bénéficié d’une forte couverture vaccinale, précise les manifestations cliniques et les caractéristiques de la maladie dans les pays de l’UE infectés et rappelle la
stratégie de surveillance mise en place en France contre ce danger sanitaire de catégorie 1.
Exposition des veaux de boucherie aux antibiotiques
La France est un acteur majeur de la production de veaux de boucherie en Europe, mais les usages des antibiotiques dans cette filière étaient jusqu’ici peu documentés. Une étude transversale a été conduite en 2013-2014 sur 186 lots de veaux (93 exploitations) pour estimer l’exposition de ces animaux aux antibiotiques. Un indicateur, le nombre de traitements antibiotiques par veau a été calculé sur la base des prescriptions des vétérinaires (produits, quantités, doses prescrits) et d’une estimation du poids des animaux au traitement. L’exposition aux antibiotiques était élevée avec en moyenne 8,6 traitements par veau durant les cinq à six mois d’engraissement. Parmi les familles d’antibiotiques utilisées, les tétracyclines étaient très majoritaires (en moyenne 4,3 traitements par veau), mais les polypeptides (colistine), macrolides et sulfamides étaient aussi très utilisés (en moyenne 1,6, 1,0 et 0,6 traitements par veau respectivement). Les traitements de démarrage étaient systématiques à l’arrivée des veaux dans les élevages et représentaient près d’un tiers des traitements. L’étude a mis en évidence une faible variabilité d’usage entre les élevages indiquant que les leviers de réduction du recours aux antibiotiques relevaient davantage de démarches globales au sein de
la filière que de démarches individuelles.
Représentativité et couverture du Résapath, le réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales
Le Résapath joue un rôle majeur dans la surveillance de l’antibiorésistance en santé animale en France. Consolidé en plusieurs étapes depuis sa création en 1982, ce réseau de surveillance événementielle est basé sur la participation volontaire des laboratoires adhérents qui transmettent les résultats des antibiogrammes qu’ils réalisent pour leurs clients. L’objectif de cette étude était d’estimer la représentativité et la couverture du Résapath par filière animale en 2015. La proportion d’antibiogrammes collectés par le réseau par rapport à l’ensemble des antibiogrammes réalisés sur le territoire national était variable selon les espèces, s’échelonnant
de 50 % pour les animaux de compagnie (chiens et chats) à 90 % pour la filière porcine. La couverture géographique du Résapath était globalement en accord avec la répartition géographique estimée des populations animales sur le territoire. Cette étude fournit les éléments pour un développement potentiel du Résapath afin d’assurer une meilleure représentativité des filières et du territoire.
Scénarios alternatifs pour l’amélioration de l’efficience du système de surveillance de la brucellose bovine en France
La surveillance des maladies animales exotiques vise à identifier toute introduction et à maintenir le statut officiellement indemne. Dans un contexte de diminution des ressources, l’évaluation de l’efficience – c’est-à-dire la sensibilité rapportée au coût – de la surveillance est essentielle pour aider les gestionnaires à prendre des décisions éclairées concernant l’allocation des ressources. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’efficience du système français de surveillance de la brucellose bovine à partir de modèles stochastiques d’arbres décisionnels. Le système de surveillance actuel, qui inclut la déclaration obligatoire des avortements,
un dépistage sérologique annuel dans tous les élevages et des contrôles sélectifs des bovins achetés, répond aux objectifs de détection fixée par la réglementation européenne. Toutefois, un système alternatif incluant la déclaration obligatoire des séries d’avortements et un dépistage sérologique d’élevages sélectionnés
parmi ceux les plus à risque serait plus efficient. De telles évolutions, tout en respectant les spécifications européennes concernant le statut indemne, réduiraient
fortement le coût annuel de la surveillance. Ces économies pourraient être réinvesties dans des mesures complémentaires visant à l’amélioration opérationnelle
de la surveillance.
Fièvre charbonneuse dans un élevage de bovins en Haute-Marne : persistance du risque et enseignements pour la gestion des foyers
Un foyer de fièvre charbonneuse a été déclaré en avril 2017 dans un cheptel bovin de Haute-Marne. Il s’agit d’une réémergence dans la mesure où des cas avaient déjà été rapportés en 1998 et 2013. Aucune contamination humaine n’a été rapportée. Cet article vise à présenter les particularités de cet épisode et à en tirer des enseignements.
Cas groupés d’intoxications de chiens par des cyanobactéries dans la Loire
Des cas groupés d’intoxication de chiens associées à des efflorescences de cyanobactéries ont été constatés en août 2017 à l’occasion d’une baignade dans la Loire. Cet article décrit l’épisode et en fait un retour d’expérience.